Notre escapade d’automne nous conduisit cette année à la rencontre de la Renaissance italienne… à Paris ! Patrick MAUTÉ, photos Nadine BOISSERIE
Dans la fraîcheur matinale et brumeuse de ce samedi 8 novembre, notre désormais incontournable et irremplaçable chauffeur Karim au volant de son car de la société Migratour a peu à peu accueilli la trentaine de participants au voyage organisé par la Dante Alighieri, plus précisément par sa Présidente Christiane Michel, elle-même présente à bord.
Après un voyage sans encombre, Karim nous déposa à l’hôtel Ibis de la porte d’Orléans en soirée où chacun s’installa rapidement avant de repartir en car pour une première visite. Celle du musée Jacquemart-André, qui réunit des collections privées dans l’hôtel particulier, situé bd Haussmann, d’un banquier du 19ème siècle et de sa femme, couple de collectionneurs d’art.
Ce musée présente en cette fin d’année une exposition intitulée « Le Pérugin, maître de Raphaël ». Premier moment fort de ce séjour à Paris ! A en croire la rumeur, l’entrée à la nuit tombante dans ce musée provoqua du rêve chez nombre d’entre nous, des dames de notre groupe notamment s’imaginèrent dans ce lieu, portant robes à crinoline et riches parures, au bras, peut-être, d’un galant vêtu d’un frac et coiffé d’un haut-de forme. Le jardin d’hiver et le grand escalier d’inspiration romaine avec ses colonnes de marbre achevèrent de nous plonger dans l’opulence d’un siècle révolu mais combien présent dans notre imaginaire à ce moment.Munis d’audioguides, nous pûmes chacun à notre rythme, découvrir les salles de cette riche résidence ainsi que l’exposition qui met en lumière les apports essentiels du Pérugin à l’art et la culture de son époque. Dans cette perspective, la cinquantaine d’œuvres réunies à cette occasion retrace les grandes étapes de la carrière du Pérugin, de sa formation, marquée par la peinture florentine de la seconde moitié du XVe siècle, à ses grands succès à Rome et Pérouse.
C’est ainsi que nous pûmes admirer parmi d’autres « Le martyre de Saint Sébastien », le portrait de Francesco delle Opere ou encore sa « Vierge à l’Enfant »…
Considéré par ses contemporains comme l’un des plus grands peintres d’Italie, Le Pérugin a initié pendant les dernières décennies du XVe siècle et les premières du XVIe siècle une nouvelle manière de peindre, qui a profondément marqué son époque. Le Pérugin va en effet exercer une influence majeure sur ses contemporains, en particulier sur Raphaël dont 10 œuvres sont présentées à titre exceptionnel dans l’exposition. On découvre ainsi comment Le Pérugin a élaboré et porté à sa perfection un langage artistique que le jeune Raphaël s’est ensuite réapproprié avec une grande sensibilité.
Ainsi avons-nous pu comparer des œuvres des deux artistes, traitant du même thème, telles des « Vierges à l’Enfant », « Le mariage de la Vierge », ou encore les panneaux de prédelle du retable Oddi, peints par Raphaël, très proche de la prédelle de Fano attribuée au Pérugin.
Le dîner au restaurant Courtepaille associé à l’hôtel, nous permit de partager nos premières impressions avant de rejoindre nos chambres.
Le dimanche matin, après un copieux petit déjeuner, notre chauffeur nous conduisit à la rencontre d’une œuvre de JM Othoniel, le “Kiosque des noctambules”, installée sur la sortie de métro de la station Palais Royal – Musée du Louvre donnant sur la place Colette, devant le bâtiment du Palais-Royal et de la Comédie-Française. Nombre d’entre nous avions déjà rencontré les sphères en verre de Murano associées à l’aluminium brossé lors de l’exposition Othoniel au Puy en Velay. Cette œuvre-ci commandée à Jean-Michel Othoniel pour le centenaire de la construction du métro de Paris, en 2000, est constituée de deux coupoles, l’une aux teintes froides figurant la nuit, l’autre aux teintes chaudes symbolisant le jour. Ainsi, les altiligériens de la Dante découvraient une réalisation de l’artiste, non plus dans un musée, mais dans un lieu de vie des Parisiens.
Notre chauffeur nous déposa ensuite rue de Grenelle au musée Maillol pour une visite guidée de l’exposition « Les Borgia et leur temps (de Léonard de Vinci à Michel-Ange.) ». Le musée Maillol s’est en effet fait une spécialité d’organiser des expositions temporaires sur des thèmes italiens toujours de grande qualité. Cette année, le Musée Maillol présente le temps des Borgia à grand renfort de chefs-d’œuvre, certains exposés pour la première fois en France. La visite conduite par un guide efficace, allant à l’essentiel, nous conduisit tout d’abord devant les portraits des principaux personnages de la famille Borgia, notamment ceux du pape Alexandre VI et de ses enfants, les célèbres César et Lucrèce. Aujourd’hui, nous rappelle-t-il, le nom des Borgia rime avec luxure, pouvoir et violence; vision basée certes sur des faits historiques mais fortement “déformée” par les regards “romantiques” de Victor Hugo ou bien encore d’Alexandre Dumas au XIXème siècle.
L’exposition propose donc de pénétrer au cœur de cette famille qui a marqué la seconde moitié du XVe siècle en Italie et en Europe, afin de révéler leur véritable visage et de restituer leur environnement qui voyait le monde se transformer avec la découverte de l’Amérique, l’invention de l’imprimerie, la Réforme engagée par Luther et l’épanouissement d’une scène artistique sans précédent. Car en effet, les Borgia furent des mécènes incontestables et l’exposition présente à cette occasion des œuvres des meilleurs artistes de l’époque, du Titien, de Bellini, de Mantegna, de Léonard de Vinci, de Raphaël, de Michel-Ange, Signorelli, etc… Parmi les œuvres présentées, le Saint Michel Archange et l’Assomption de la Vierge de Dosso Dossi, une pietà en terre cuite attribuée récemment à Michel-Ange (probablement un travail préparatoire de la sculpture en marbre visible à Saint-Pierre de Rome) et un magnifique Christ en croix du même artiste…
Le déjeuner concocté par un cuisinier italien fut pris au restaurant « La Cortigiana » installé dans les caves voûtées du musée, caves qui furent en d’autres temps des lieux fréquentés par Boris Vian, Jacques Prévert, Barbara …
Karim nous conduisit ensuite rue de la Gaîté à la Comédie italienne, où nous avons assisté à la représentation d’une comédie inspirée de Goldoni, « Le jardin des amours enchantées », jouée selon le rythme de la commedia dell’arte. Surprenante, mais portée par des artistes de qualité, la pièce enchanta un grand nombre d’entre nous.
Un court temps libre au Quartier Latin, mis à profit par certains pour découvrir l’ église Saint-Julien-Le-Pauvre, une église grecque catholique dans laquelle Dante Alighieri en personne alla souvent prier alors qu’il logeait tout près, rue du Fouarre, en 1309, puis l’église Saint Séverin d’architecture gothique, présentant notamment de remarquables gargouilles sur sa façade extérieure et des colonnes torsadées dans son déambulatoire.
Nous dînâmes tôt au restaurant italien Gallo romano mais la pasta, bien qu’excellente, était très proche du repas précédent et nous eûmes du mal à finir les assiettes !
A quelques pas de là, (mais notre chauffeur nous y conduisit malgré la proximité), sur l’Île de la Cité, se dresse l’écrin majestueux de la Sainte Chapelle, ce reliquaire somptueux que Saint Louis nous a légué pour le bonheur des yeux! C’est là que nous allons passer la soirée et vivre un temps fort de notre voyage : nous y attendent en effet Vivaldi, Vitali et Pachelbel, par la grâce des cinq violons et du clavecin de l’Orchestre « Classik Ensemble » dirigé par David Braccini, violon solo. Une prestation qui nous a enthousiasmés, mélomanes avertis ou non, dans un cadre inouï de beauté, celui du chœur de la Sainte Chapelle. Un moment grandiose servi par une formation dirigée de manière peu conventionnelle mais extrêmement dynamique, forçant l’adhésion d’un public conquis.
Le retour à l’hôtel après le concert nous parut instantané tant chacun de nous était encore bercé par les trilles des quatre saisons.
Lundi matin, bagages dans la soute, le car nous conduisit à Chantilly au nord de Paris. Le temps étant agréable et la campagne du Val d’Oise accueillante, nous prîmes le temps de passer par l’Abbaye de Royaumont pour en découvrir le parc et les extérieurs.
Arrivés au domaine de Chantilly, nous visitâmes le musée Condé sis dans un château qui est en fait une reconstruction du xixe siècle pour l’avant-dernier fils du roi Louis-Philippe Ier, le duc d’Aumale, héritier du domaine, qui y installa ses collections de peintures, de dessins et de livres anciens. A sa mort, il légua l’ensemble à l’Institut de France, sous le nom de musée Condé.
Nous fûmes d’abord émerveillés par le Cabinet des Livres, splendide bibliothèque qui recèle de très nombreux manuscrits et enluminures parmi lesquels les célébrissimes « très riches Heures du duc de Berry », ainsi qu’un manuscrit de la « Divine Comédie ».
La collection de peintures anciennes, quant à elle, compte sans doute parmi les plus importantes en France. L’ensemble de ces collections n’est visible qu’à Chantilly car le legs du duc d’Aumale interdit tout prêt des collections et aucune modification des salles d’exposition n’est par ailleurs possible. La muséographie n’a en conséquence pratiquement pas changé depuis l’ouverture en 1898. C’est ainsi que la Grande Galerie de Peinture du musée présente de nombreuses œuvres « juxtaposées » et il faut mentalement isoler chacune pour véritablement en profiter.
Là nous attendaient des œuvres de primitifs italiens (notamment une Dormition de la Vierge de Maso di Banco, l’un des plus actifs élèves de Giotto), de peintres florentins et siennois des Quattrocento et Cinquecento. Citons en particulier Le Pérugin : La Vierge à l’Enfant entre saint Jérôme et saint Pierre ; Sandro Botticelli : L’Automne; Fra Angelico, Saint Marc et Saint Matthieu; et bien sûr l’incontournable Raphaël avec Les Trois Grâces , La Madone de la maison d’Orléans, La Madone de Lorette.
Les appartements du château sont également intéressants, en particulier la grande singerie. C’est l’une des pièces les plus célèbres du château, comportant un ensemble de décors peints attribués à Christophe Huet en 1737. C’est une représentation de singes imitant les actions de l’homme, alliant à la fois la mode nouvelle des chinoiseries et de la caricature.
Le déjeuner fut pris sur place à La Capitainerie : situé au cœur du château de Chantilly, sous les voûtes des anciennes cuisines de Vatel, le restaurant La Capitainerie nous proposa un repas excellent qui mettait en valeur la fameuse crème Chantilly, la vraie !
Puis nous traversâmes le Parc, longeant les bassins et le parc de Le Nôtre jusqu’à atteindre la salle du Jeu de Paume où se tient en cette fin d’année une exposition intitulée « Fra Angelico, Botticelli. Chefs-d’œuvre retrouvés » que le musée Condé consacre à la pré-Renaissance et à la Renaissance italienne. Trente oeuvres majeures de ses collections – dont des peintures et dessins de Fra Angelico, Filippino Lippi, Botticelli, Léonard de Vinci – y sont présentées aux côtés de neuf peintures prêtées par des institutions internationales, mais aussi des panneaux religieux et objets profanes, tels les cassoni, coffres de mariages d’apparat ornés de peintures décoratives : ainsi deux cassoni de Filippino Lippi et Sandro Botticelli illustrant les scènes de l’Histoire d’Esther.
L’exposition a aussi pour objectif de recréer les ensembles d’origine, souvent démantelés au fil des siècles, en réunissant des pièces rares disséminées à travers le monde : ainsi, la Thébaïde de Fra Angelico, est présentée à Chantilly grâce au prêt de 4 musées et d’une collection particulière. Des œuvres de Léonard de Vinci et de Michel-Ange, ainsi qu’un portrait de Simonetta Vespucci, la « muse » de Botticelli, par Piero di Cosimo ravissent les visiteurs.
Bien utile aussi pour aider l’observateur, la scénographie allie aux oeuvres originales des reconstitutions virtuelles grandeur nature recréées par le biais des projections vidéo.
Puis nous prîmes la route en direction d’Amboise. Après un voyage sans difficulté, nous nous installâmes à l’Hôtel Ibis après y avoir dîné.
Le dernier matin fut consacré à Léonard de Vinci grâce à la visite du Clos Lucé. C’est là que Léonard de Vinci, invité par François Ier, vécut trois ans, de 1516 à sa mort le 2 mai 1519. Il y vint avec tous ses carnets de dessins et trois tableaux célèbres : La Joconde, La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne et Saint Jean Baptiste, aujourd’hui conservés au Musée du Louvre.
Du fait de l’absence d’une guide, nous commençâmes par flâner dans le parc dans lequel sont présentés de nombreux modèles grandeur nature des machines inventées par Léonard.
Puis nous allâmes voir l’exposition « Léonard de Vinci et la France », intitulé justifié par le lien exceptionnel de Léonard de Vinci avec la France, à travers trois de ses souverains (Charles VIII, Louis XII et François Ier), lien essentiel puisqu’il est fondateur en France de la Renaissance qui prit corps en Val de Loire.
Au travers de dessins, d’études et d’œuvres majeures, l’exposition permet d’aborder deux grandes périodes de cette fascinante relation : la période milanaise (1507-1513), explorant les liens de Léonard de Vinci avec Charles VIII et Louis XII, et la période française au Château du Clos Lucé à Amboise (1516-1519), véritable point d’orgue des relations entre Léonard de Vinci et la France sous le règne de François Ier.
Donc un Léonard de Vinci, artiste pour les rois de France, mais aussi architecte et ingénieur (le palais et la ville idéale de Romorantin, l’assèchement des marais de la Sologne, l’étonnant escalier à double révolution de Chambord…) et aussi maître de divertissements à la cour de François Premier. L’exposition présente enfin l’héritage d’un grand génie, celui qui fit dire à François Ier : » Pour chacun de nous, la mort de cet homme est un deuil, car il est impossible que la vie en produise un semblable. »
Situé à cinq cents mètres du Château Royal d’Amboise, la demeure de briques roses et de pierres de tuffeau immaculées est acquise en 1490 par Charles VIII et devient alors domaine royal.
Charles VIII la transforme en « castel de plaisance », résidence d’été des rois de France. Le Roi embellit la demeure dans le style flamboyant, doté d’une porte d’entrée en ogive donnant accès au logis principal, le « logis royal ». Et c’est là que vécut Vinci pendant les trois dernières années de sa vie.
Au-dessus de la porte de la chapelle sont sculptées dans la pierre les armes du royaume de France, et du duché de Bretagne que le mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII a réuni au royaume. Anne de Bretagne vint souvent y méditer, son livre d’heures entre les mains.
Aujourd’hui, les appartements aux murs de brique rose, tendus de tapisseries, dotés de cheminées monumentales en pierres de tuffeau, sont aménagés pour la visite avec quelques mobiliers d’époque Renaissance.
S’ensuivit un déjeuner au restaurant Renaissance « Le Prieuré » du clos Lucé qui nous proposa « moult amusements de gousié » issus de recettes de la Renaissance, dans une salle Renaissance, servi par une serveuse…en costume Renaissance » ! Messeigneurs et Gentes Dames de la Dante se firent un plaisir d’honorer le festin préparé par le Maistre queux !
En début d’après-midi, nous gagnâmes à pied le château d’Amboise : avant d’être rattaché à la couronne en 1434, il appartenait, depuis plus de quatre siècles, à la puissante famille d’Amboise. Pendant la Renaissance, il servit de résidence à plusieurs rois de France.
Il a été en grande partie détruit après la Révolution. Il ne reste environ qu’un cinquième du château de Charles VIII : on accède à la terrasse par l’une des deux tours cavalières pour découvrir la chapelle Saint Hubert, de style flamboyant et l’aile, dite « Charles VIII », également de style gothique flamboyant, comprenant les logis du Roi et de la Reine.
Les plus courageux d’entre nous parcoururent aussi le parc aménagé sur la terrasse, lequel comporte un mémorial musulman pour les accompagnants d’Abd El Kader décédés à Amboise durant sa captivité au XIXème siècle.
Nous regagnâmes le car en bord de Loire afin de terminer notre périple par un voyage-retour au cours duquel les Borgia et Léonard nous accompagnèrent par vidéos interposées.
Après un dernier arrêt sur l’autoroute pour dîner légèrement, Karim ramena dans notre cité ponote le groupe « dantesquement » ravi à l’heure prévue !