Compte rendu de la conférence de Patrick Favre-Tissot, musicologue et historien de la musique, le lundi 23 octobre 2023, à 18h, au Centre Roger-Fourneyron, salle Didier Azas, sur « Le Trouvère de Giuseppe Verdi ou le flamboyant crépuscule du bel canto romantique« .
En prélude au déplacement à Saint-Etienne qu’elle organise le 19 novembre pour assister à la représentation du « Trouvère » de Giuseppe Verdi, la Dante avait invité Patrick Favre-Tissot, musicologue très apprécié du public ponot, à présenter cet opéra, l’un des plus célèbres du Maestro.
Créé le 19 Janvier 1853 au Théâtre Apollo de Rome, Il Trovatore constitue le 2ème volet de ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler la « Trilogie » verdienne. Ainsi, succédant à Rigoletto et devançant La Traviata, cet opéra soulève de multiples interrogations. Quelles motivations ont pu conduire Verdi et ses librettistes – Cammarano et Bardare – à adapter ce sombre drame de l’écrivain espagnol Gutiérrez, El trovador, dont la création à Madrid avait connu un retentissement certain ?
À ce qu’il semble, toutes les critiques imaginables ont été formulées sur le caractère soi-disant incompréhensible d’une action rocambolesque, s’articulant autour d’histoires de sorcellerie, meurtres ou enlèvement d’enfants et d’amours contrariées sur fond de guerre civile en Espagne au XVème Siècle… La bonne marche du projet est entravée par une série d’épreuves inattendues. Surmontant tous les obstacles, Il Trovatore voit finalement le jour avec une réception triomphale, confirmée par une presse dithyrambique, lui assurant une carrière sans éclipse. Il Trovatore serait donc, avant toute chose, un opéra vocal, exigeant, pour être bien exécuté, « les quatre meilleurs chanteurs du monde » selon une boutade attribuée – alternativement – à Toscanini ou Caruso.
Il est aisé de comprendre l’engouement suscité dès la 1ère. Le traditionalisme des formes rassure le public. Au sein de la Trilogie, Il Trovatore demeure l’étape la plus accessible. Verdi définit le sujet comme coloré et sauvage. Il lui octroie une musique parmi les plus étincelantes nées de sa plume. Ce torrent sonore continu, charriant impétueusement les passions romantiques, emporte tout sur son passage. A un orchestre plus élémentaire répond une écriture vocale paroxystique. Les rôles sont épuisants. Leonora est l’apothéose du soprano dramatique d’agilité, dont Verdi fait briller mille facettes. Impétueux, Manrico consacre le ténor lyrique spinto.Avec le Comte de Luna, Verdi met le souffle du baryton à rude épreuve, teste la solidité d’un registre aigu épanoui, tout en lui imposant des contraintes de nuances dans ce registre particulièrement périlleuses, sources de tracas pour 90% des interprètes.
Il Trovatore constitue l’hommage au passé, le vibrant adieu au Bel Canto Romantique dont les formes obsolètes seront désormais abandonnées.
Comme à l’accoutumée, l’auditoire a été séduit par le brio, la compétence et l‘humour du conférencier.