Une conférence de la Dante, « Des ténèbres au Royaume, Le Caravage, peintre en vérité », par Anne Muller.
Un public nombreux et passionné a suivi la conférence que donnait le 26 janvier, à l’invitation de la Dante, Anne Muller sur Le Caravage. Bien des interrogations se posaient en effet après la projection du film de Michele Placido.
La redécouverte du Caravage au XXe siècle a été un événement de première importance dans l’histoire de l’art et de la peinture. Son existence romanesque a inspiré commentateurs, romanciers et cinéastes, dont les lectures subjectives et passionnées, mais souvent contradictoires, ont contribué à tracer les contours d’un personnage au destin en clair-obscur. Ainsi, le film de Michele Placido, L’ombre du Caravage, prend-il quelques libertés avec l’histoire pour dresser le portrait d’un homme violent et tourmenté, en butte à l’autorité de l’Eglise, mais racheté par son amour indéfectible pour les pauvres.
La vie de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, est mal connue, sa fin est incertaine, mais que dit l’histoire, et surtout sa peinture ? Violent, il l’était, mais traversé par la grâce, comme en témoigne le principal personnage de ses tableaux : la lumière. Assassin ? Il fut condamné à mort pour avoir tué accidentellement un homme au cours d’une rixe, probablement suite à une provocation, et dans sa fuite où la gloire le précédait, la peinture fut son seul sauf-conduit, indéfectible, jusqu’à la mort. Les commandes, nombreuses, en témoignent, des images toujours plus intenses, et spirituelles. En conflit avec l’Eglise ? Pas autant que notre sensibilité moderne le voudrait. Le pape Paul V l’autorisa à trouver refuge au sein de l’Ordre de Malte et lui accorda finalement sa grâce. Mais il était déjà mort, à 39 ans, en 1610, et de maladie, comme l’indiquent les registres de l’hôpital Sainte Marie Auxiliatrice de Porto Ercole.
Grâce au soutien des prélats et des érudits romains, Le Caravage fut l’interprète de la Réforme catholique le plus admiré – et imité- de son temps. La mission qui lui était assignée par l’Eglise était de parler aux pauvres, pour leur ouvrir, par la beauté, le chemin du salut. Son destin, qui l’avait conduit à côtoyer la misère, fit de lui un pauvre parmi les pauvres, l’amenant à peindre, en vérité, ce qu’il voyait, ce qu’il vivait, des êtres marqués par la vie, aux pieds nus et sales. Mais le Christ n’avait-il pas lavé les pieds de ses apôtres au soir de sa Passion ? Cela Le Caravage le savait, et là fut son génie, que de décrire en images l’Evangile des pauvres que son époque attendait, en images si puissantes et si lumineuses qu’elles transcendent les siècles et nous bouleversent encore aujourd’hui.