La Dante dans les Abruzzes

Guerriero di Capestrano
Guerriero di Capestrano

La Dante dans les Abruzzes.  Louise BOUCHARD

Début avril 2009, alors qu’elle s’apprêtait à partir pendant les vacances de Pâques dans les Abruzzes, l’Association Dante Alighieri du Puy avait dû annuler son voyage la veille du départ, la région ayant subi dans la nuit du 5 au 6 un violent séisme dont l’épicentre se situait à L’Aquila, et qui avait provoqué la mort de plus de trois cents personnes et la destruction de nombreux bâtiments. Ceux qui devaient faire ce voyage avaient alors été fortement émus par ce désastre, mais s’étaient promis d’aller comme prévu dans les Abruzzes dès que cela serait à nouveau possible. Cela l’a été du 1er au 11 avril derniers.

Boldini3
Boldini

Après avoir roulé sans encombre jusqu’au niveau de Ravenne, nous avons fait étape, pour notre première nuit, dans l’agréable ville de Forlì dont nous avons pu voir, le lendemain matin, la grande place principale et la Basilique San Mercuriale, puis la superbe exposition intitulée Boldoni, le spectacle de la modernité. Ami de Corot, de Manet, Degas et Sisley, Giovanni Boldoni fut un artiste très connu dans le Paris de la Belle Epoque dont il a peint avec délicatesse la brillante société. Nous connaissions tous son portrait au pastel de Giuseppe Verdi, avec son écharpe blanche et son haut-de-forme ; la découverte de ses paysages et de ses élégants portraits de femmes nous a ravis. Puis nous avons repris notre route le long de la côte adriatique, direction les Abruzzes.

Les Abruzzes… Où est-ce ? Pourquoi cette région de l’Italie est-elle si peu connue ? Qu’y a-t-il à voir ? Les Abruzzes se situent dans le centre de la péninsule, à l’est de Rome, entre les Apennins et la mer Adriatique. C’est une terre rude et sauvage, où se trouve le sommet le plus élevé d’Italie, et qui est réputée pour être bien plus froide que le reste du pays. Mais c’est une région magnifique, qui offre une extraordinaire variété de paysages : quatre grands parcs, dont la faune et la flore font la joie des randonneurs ;

Alba fucens
Alba fucens

de hauts plateaux, des collines flanquées de calanques; et 140 kilomètres d’une côte bordée tantôt de falaises, tantôt de pinèdes et de plages dorées. La diversité se retrouve dans les innombrables sites et monuments à visiter, ce qui a bien sûr contraint notre présidente et accompagnatrice, Christiane Michel, à faire un certain nombre de choix.

C’est ainsi que notre circuit nous a conduits de Chieti à Sulmona, de L’Aquila à Civitella del Tronto, de Teramo à Pescara. Nous avons découvert les Abruzzes de l’Antiquité avec la visite du musée archéologique de Chieti abritant le célèbre guerrier de Capestrano (devenu le symbole des Abruzzes), et celle du site d’Alba Fucens, la plus importante ville romaine de la région; quant à la ville de Sulmona, elle rappelait en divers endroits qu’elle était la ville natale du grand poète latin Ovide.

San Pellegrino
San Pellegrino

Dans chacune des églises et abbayes romanes que nous avons visitées, nous avons trouvé des merveilles : par exemple à Bominaco, les fresques de l’église San Pellegrino, « la Sixtine des Abruzzes » ; à Atri, celles de la cathédrale Santa Maria Assunta ; près de Pescara, nous nous sommes attardés dans l’abbaye San Giovanni in Venere, au sortir de laquelle nous avons assisté au coucher de soleil sur l’Adriatique bordé de trabucchi (carrelets) ;

San giovanni in Venere
San giovanni in Venere
Trabucchi
Trabucchi
Santa Maria di Collemaggio
Santa Maria di Collemaggio

à L’Aquila, la façade en pierres blanches et roses à motifs géométriques, et le portail latéral finement décoré de Santa Maria di Collemaggio nous ont fait dire qu’il s’agissait là, assurément, de la plus belle basilique des Abruzzes ; à Castelli, le plafond du 17ème siècle de l’église San Donato était

Ceramiche di Castelli
Ceramiche di Castelli

couvert de superbes majoliques, et le musée de la céramique suscita en nous un vif intérêt. Une autre visite particulièrement intéressante fut celle du musée de Pescara, dédié aux Abruzzes ruraux.

Car nous nous sommes attachés à découvrir toutes les facettes des Abruzzes : non seulement les abbayes et les églises, mais aussi les paysages grandioses, les villages pittoresques, l’activité économique, la gastronomie et les traditions. Nous avons admiré les sommets enneigés et étincelants des Apennins, avec à leurs pieds des oliviers, des vignes et des arbres fruitiers en fleurs malgré la rigueur de la température encore hivernale. Nous avons arpenté des villages pittoresques comme Santo Stefano in Sessanio ou Civitella del Tronto, où l’on passe dans la rue la plus étroite d’Italie (40cm de large), et où l’on jouit d’un superbe panorama depuis l’imposante forteresse qui domine

Scanno
Scanno
Confetti
Confetti

la colline de travertin. Les bijoux en filigrane de Scanno ont incité à quelques achats. Les confetti de Sulmona aussi : les confetti sont de délicieuses dragées enveloppées de papier transparent, qui deviennent des pétales de fleurs multicolores apportant beaucoup de gaieté dans les vitrines des magasins. Les repas ont été l’occasion de découvrir la gastronomie locale et pascale puisque nous avions choisi précisément de partir pendant la Semaine Sainte, occasion de réjouissances encore très vivaces en Italie et pecore in Abruzzoparticulièrement dans les Abruzzes. Le célèbre Montepulciano d’Abruzzo accompagnait aussi bien les pâtes alla chitarra (« à la guitare ») que l’agneau accommodé de diverses façons. Le repas que nous avons pris à L’Auberge de l’Ane d’or et ceux du dimanche de Pâques et de Pasquetta (le lendemain) resteront longtemps dans nos mémoires gustatives. Mais nous avons pu constater que les traditions religieuses sont demeurées elles aussi très vivaces dans les Abruzzes : le Vendredi Saint, à Chieti, nous avons assisté à la procession des innombrables « frères » de 12 confréries, revêtus de capes de différentes couleurs et portant les symboles de la Passion, accompagnés par 150 musiciens et de très nombreux choristes chantant le  Miserere de Selecchy.

Madonna che scappa in piazza, à Sulmona
Madonna che scappa in piazza, à Sulmona

Le dimanche de Pâques, nous avons vu s’envoler des colombes au moment où la Vierge de Sulmona abandonnait son manteau noir et faisait courir soudain ses porteurs en voyant à l’autre bout de la place son fils ressuscité ; et la foule applaudissait, et la foule se réjouissait.

Sirmione château
Sirmione

Ce voyage dans les Abruzzes nous a donc permis de découvrir une région à nulle autre pareille en Italie, une région d’une incroyable variété et d’une grande richesse, dont les habitants nous ont réservé un accueil à la fois serein et souriant. Il s’est terminé avec une halte dans un site de rêve, au bord du Lac de Garde. On a beau déjà connaître Sirmione, lorsque l’on franchit le pont-levis qui donne accès à la ville située sur un promontoire entouré par les eaux, c’est toujours le même enchantement. Après les poésies d’Ovide et de Gabriele D’Annunzio dans les Abruzzes, nous avons alors évoqué celles de Catulle, qui a chanté le séjour qu’il goûtait en ces lieux au 1er siècle av. J.C. ; il a laissé son nom aux restes d’une immense et somptueuse villa romaine que nous avons parcourue avant de faire une promenade en bateau sur le lac, par une température très douce. Qu’elle était douce également, l’ambiance du groupe ! Car nous avons vraiment vécu tout ce voyage entre amis ; et pourtant, certains ne se connaissaient pas au départ.

Civitella del Tronto
Civitella del Tronto

Christiane Michel nous a fait réaliser, comme à chaque fois, un voyage de qualité, original et complet, qui restera gravé dans nos mémoires ; nous lui en sommes très sincèrement reconnaissants.