On se serait cru à l’opéra, le jeudi 2 juin, à la Commanderie Saint-Jean, tant le talent et la passion du conférencier invité par la Dante pour présenter l’opéra Nabucco ont emporté toute la salle. Le public a d’ailleurs fait une véritable ovation à Patrick Favre-Tissot, musicologue dont les conférences au Puy sont toujours très suivies et appréciées.
Le 9 Mars 1842, la Scala de Milan connaît l’effervescence. Ce soir-là est créé Nabucco, troisième opéra de Giuseppe Verdi. C’est un événement politique tout autant qu’artistique, car le compositeur et son librettiste, Solera, y stigmatisent, en mettant en scène les souffrances du peuple d’Israël captif de Nabuchodonosor à Babylone, l’occupation de la Lombardie et de la Vénétie par l’empire des Habsbourg.
Giuseppe Verdi n’a pas trente ans lorsqu’il écrit cet opéra. Après la mort de ses deux enfants et de son épouse et l’échec de son opera buffa « Un giorno di regno », Verdi traverse la période la plus sombre de son existence. Il vit frugalement à Milan mais fréquente le salon des Maffei où il rencontre les représentants du premier Risorgimento. Lorsque Merelli, le directeur de la Scala, lui donne à lire le livret de Solera, il refuse d’abord. Il dira plus tard que c’est un coup d’œil au chœur des Hébreux, le fameux ‘ »Va’ pensiero », qui le décida à accepter. Il retrouve de l’énergie et, après quelques modifications au livret, l’opéra est prêt pour le carnaval 1842. C’est un succès. Giuseppina Strepponi (qui deviendra l’épouse du compositeur) interprète le rôle d’Abigaille, l’un des plus difficiles du répertoire verdien, qui s’étend sur deux octaves, le baryton Ronconi celui de Nabucco, qui exige sonorité et subtilité, et le Français Dérivis celui du grand prêtre Zaccaria qui met à rude épreuve les possibilités d’une basse.
Sans être d’un raffinement extrême, la partition est animée d’un souffle prodigieux et frappe l’imagination des auditeurs. La puissance évocatrice des pages dévolues aux chœurs, tout comme le caractère percutant des airs solistes, dévastent tout sur leur passage. Pour la première fois de sa carrière, Verdi a un coup de génie et devient, dès lors, le porte-drapeau musical du « Risorgimento« , ce grand mouvement de pensée qui devait conduire à l’unité politique de l’Italie. Il écrira d’autres opéras « politiques » jusqu’en 1849, mais ne reviendra ensuite à la politique qu’en 1859.
Patrick Favre-Tissot est l’auteur d’un « Giuseppe Verdi » aux éditions Bleu nuit.