« Piero : de l’impassibilité au sublime », une conférence de la Dante sur l’un des plus grands peintres de la Renaissance italienne.
C’est un groupe de passionnés de l’art toscan de la Première Renaissance qui s’est retrouvé au Centre Roger-Fourneyron le jeudi 20 février à 20h30 pour écouter la conférence de Georges Brun sur Piero della Francesca.Quel étrange personnage que ce Piero dont on ignore à peu près tout, sauf de manière indirecte et souvent par des sources peu fiables. Même son nom n’est qu’un pseudonyme. Quelle discrétion de la part de ce peintre reconnu très jeune comme un génie de la peinture et encore plus comme un immense mathématicien, le maître de la perspective. Il fréquenta les plus grandes cours de son temps, voyagea jusqu’à Rome. Mais assuma aussi avec constance une position de notable dans sa petite ville de naissance, Sansepolcro. Il ne se maria pas et on ne lui connaît pas d’enfants. Une partie importante de son œuvre de fresquiste a été détruite au cours des siècles et on suppose qu’un certain nombre de ses tableaux ont aussi été perdus.
Il fit ses classes à Florence sous la houlette du Veneziano, dont il hérita de l’art de la lumière et de magnifiques couleurs pastel, étudiant par ailleurs avec passion les plus grands peintres de la Première Renaissance florentine. Il se lia avec la plupart des grands mathématiciens de son temps, dont le célèbre architecte et mathématicien Leon Battista Alberti. Rogier de la Pasture qu’il rencontra chez les Este lui enseigna l’art flamand de la peinture à l’huile.
Piero est à l’origine des progrès de la peinture florentine de la Renaissance, dans la mesure où il décrivit dans son livre « De Prospectiva pingendi » les règles techniques simples de la perspective, résultant d’une analyse mathématique très fine pour l’époque. C’est ce qui permit aux peintres florentins de surpasser les flamands par la précision de leur peinture. Pour les paysages, l’architecture, les corps, les visages, il définit des règles des plus sophistiquées qui le conduiront, pour les visages en particulier, à créer une beauté quasiment androgyne.
Aujourd’hui, c’est dans ses lieux de vie qu’on trouve encore le plus grand nombre de ses œuvres. A Rimini, à la cour des Malatesta il décora la chapelle privée du Duc dans le Tempio Malatestiano d’une célèbre fresque, alors qu’Alberti travaillait lui-même à l’érection de cette cathédrale. Chez les Montefeltro d’Urbino, il produisit plusieurs tableaux dont les fameux portraits du duc Federico III da Montefeltro et de son épouse Battista Sforza. A Sansepolcro la fresque de la Résurrection reste un de ses grands chefs-d‘œuvre, après avoir failli disparaître durant la dernière guerre mondiale. A Monterchi, la Madonna del Parto, vierge enceinte, nous regarde toujours entre orgueil et douce tristesse. À Arezzo son chef-d’œuvre absolu, l’immense ensemble de fresques de « La Légende de la Vraie Croix » nous domine encore de sa composition et de son dessin magistral, de ses couleurs d’une douceur infinie et de la beauté irréelle de ses personnages.
Abondamment illustrée de belles reproductions de toutes les œuvres connues de celui que ses élèves appelaient « le monarque de la peinture », la conférence a apporté à un auditoire captivé informations et pistes de réflexion sur l’art discret et infiniment spirituel de Piero della Francesca.