Décrire des mosaïques, cela serait vite monotone et tournerait au catalogue. Mais ce que Georges Brun a permis, lors de sa conférence du 3 avril sur la « Splendeur des mosaïques siciliennes », c’est tout autre chose. Porté par sa passion et sa connaissance du sujet, Georges Brun a fait d’abord revivre pour un public qui allait de découverte en découverte les mosaïques romaines de la Villa del Casale : elle compte plus d’une trentaine de pièces décorées de 3500 m2 de mosaïques de pavement. On hésite encore sur le propriétaire, était-ce Maximien Hercule, collègue de Dioclétien dans la tétrarchie, ou le gouverneur de la Sicile Populonius ? En tout cas les mosaïques remontent au IVe siècle, époque où la Sicile retrouvait un rôle important dans l’approvisionnement en blé de Rome et la liaison avec le continent africain. Les sujets sont variés, et diffèrent selon la destination des pièces, avec de nombreuses scènes de chasse et de capture d’animaux sauvages destinés aux jeux du cirque, des scènes mythologiques ou de la vie quotidienne comme les fameuses demoiselles en bikini, qui nous surprennent par leur modernité. L’influence africaine se fait sentir dans la minutie de la technique. Puis c’est la période des rois normands qui, en même pas un demi-siècle, de 1131 à 1175, vont donner à la Sicile ses plus beaux monuments : la cathédrale de Cefalù, la Chapelle palatine dans le Palais des Normands de Palerme, le palais de la Zisa où Guillaume II vivait comme un émir arabe, le dôme de Monreale. On est ébloui par l’or des mosaïques auxquelles ont travaillé des artisans venus de Constantinople et aussi des arabes restés en Sicile (la conquête de la Sicile par les Normands ne s’était achevée qu’en 1091, après 260 ans de domination musulmane). Sur une période aussi courte, on note cependant une évolution des styles, mise en évidence par la comparaison entre les différentes représentations du Christ Pantocrator qui orne les absides ou encore dans le traitement différent de thèmes communs, comme la tentation d’Adam et Eve par exemple. Mais le plus intéressant, c’est que ces mosaïques n’étaient pas seulement un témoignage de foi, mais avaient aussi un rôle politique : quand Roger II se fait représenter dans l’église de la Martorana couronné par le Christ et non par le pape comme c’était la règle alors, cela a une signification éminemment politique. C’est directement à la Vierge que Guillaume II remet le modèle du Duomo de Monreale. Bref, les mosaïques, c’est aussi de la com ! Régal pour les yeux – et pour l’esprit, cette conférence de la Dante a conquis un public enthousiaste.