Invité par la Dante, le professeur Patrick Barbier, historien de la musique, a su faire partager sa passion pour l’Italie et la musique baroque au nombreux public venu l’écouter au Centre Pierre Cardinal jeudi 16 février 2017.
Tout au long de l’époque baroque, Venise, Naples et Rome jouent un rôle essentiel sur le plan musical. La Rome d’aujourd’hui est caractérisée par l’empilement des civilisations, mais n’a pas été dans son centre défigurée par le modernisme. Rome qui comptait un million d’habitants à l’époque d’Auguste, était tombée à 25000 habitants au Moyen Âge et aurait été rayée de la carte si elle n’avait pas été le siège de la Papauté. À l’époque de la Contre-Réforme, elle en comptait 140000. Cette période, allant des Barberini à la venue de Haendel, est celle des fêtes somptueuses et des cérémonies. On arrivait à Rome par la Piazza del Popolo, impressionnante avec ses deux églises et qui s’ouvrait sur le Corso bordé de palais, lieu névralgique de la Rome de l’époque. C’est là que se donnaient les fêtes, en particulier les courses de chevaux. La Rome que nous connaissons aujourd’hui est essentiellement baroque, c’est le pape Urbain VIII (1623-1644) qui a été à l’origine de cette expansion. La Place Navona en est le symbole, avec les œuvres du Bernin et de Borromini. Il s’y déroulait des fêtes somptueuses, le carnaval battait son plein. Trois résidences papales existaient à l’époque: le Vatican, alors insalubre, Castelgandolfo et le Quirinal, la préférée d’Urbain VIII. Deux « chapelles » se partageaient l’accompagnement musical des cérémonies religieuses : la chapelle pontificale, officiant dans la Sixtine et comportant un nombre variable de choristes en polyphonie, et la « chapelle » Giulia qui, en opposition à l’ancien chant de la Sixtine, intégrera de plus en plus d’instruments de musique pour créer des combinaisons sonores magnifiques à l’intérieur de l’immense basilique. On n’avait pas le droit de divulguer les partitions, c’est ainsi que Mozart retranscrira de mémoire le Miserere d’Allegri. Les premiers oratorios voient le jour à la Chiesa Nuova, Corelli donne ses lettres de noblesse au concerto instrumental et Haendel, arrivé en 1707, produit à Rome ses premiers chefs d’œuvre. Les mécènes jouent un rôle très important, en particulier la reine Christine de Suède qui, ayant abdiqué, s’est convertie au catholicisme et a vécu plus de 30 ans à Rome. Fêtes et carrousels se succèdent, les cardinaux et les grandes familles finançant. Rome a le goût du monumental, on construit pour ces fêtes des architectures provisoires. Mais, papauté exige, aucune femme ne doit chanter ni apparaître sur scène, ce sont les castrats qui les remplacent. Cela explique sans doute l’arrivée tardive de l’opéra à Rome. Le plus bel exemple en étant le « Sant’Alessio » de Stefano Landi et Rospigliosi, où tous les rôles féminins sont tenus par des hommes travestis en femmes. Les grands théâtres lyriques de Rome, ainsi que ceux des demeures privées, ont disparu. Mais ce qui nous reste de l’ère baroque l’emporte largement sur ce qui nous manque. La place Saint Pierre, Piazza Navona, Piazza di Spagna, Piazza del Popolo, qui ont été les témoins de tant d’événements musicaux, de fêtes et de cortèges, sont toujours là. Rome n’a pas fini de nous envoûter.