Chronique d’un voyage à Turin

Petite chronique d’un voyage à Turin avec la Dante. Marie-Thérèse GIORSETTI 

Turin, capitale du Piémont, de près d’un million d’habitants, éphémère capitale de l’Italie, idéalement située au carrefour des vallées alpines, sur le fleuve Pô, ville d’origine romaine, marquée par l’influence de la famille des Savoia, qui lui donna son aspect à la fois ordonné et élégant, capitale historique de la FIAT qui perd peu à peu de son rôle économique au profit de Milan et qui mise de plus en plus sur le tourisme…

Basilique de Superga à Turin

La Dante du Puy, sous un froid soleil de février, est partie pour son voyage d’hiver en direction du Piémont et de sa capitale Turin pendant cinq jours minutieusement organisés par sa présidente Christiane Michel, assistée de Georges Brun, du 10 au 14 février. Conduite par son « vénéré » chauffeur Karim, elle a vaillamment franchi les Alpes enneigées, et après un repas copieux à Susa, elle a gagné Turin sous un soleil quasi printanier. Bien installée dans un hôtel très confortable, sans luxe ostentatoire, en centre-ville, elle a commencé son voyage culturel par une visite passionnante du Musée du Cinéma installé dans une construction de la fin du XIXème siècle appelée la Mole Antonelliana, dont la flèche, symbole de Turin, culmine à 167m.

Ce musée à la fois riche et un peu mystérieux est d’un grand intérêt : il contient des trésors sur les objets précurseurs du cinéma telles les lanternes magiques et les chambres obscures, mais aussi les souvenirs du septième art (photos, affiches et objets qui font rêver), de Marylin à Marcello Mastroianni. Une exposition temporaire sur la première guerre mondiale pouvait être vue à partir de la montée hélicoïdale de la grande salle.

Le lendemain fut consacré à l’Histoire et aux grands musées avec ce qu’ils ont de magique mais de fatigant, sous la conduite de deux guides à la fois compétentes et sympathiques, Luisa et Emanuela. Le matin, ce fut la visite du Musée égyptien, le deuxième d’Europe par sa richesse et en particulier la salle des statues dédiées aux pharaons et aux dieux antiques. Musée monumental, fabuleux, qui ne sera, hélas ! ouvert en totalité qu’au mois d’avril, ce qui nous a donné envie d’y revenir. Puis l’après-midi, la visite du Palazzo Madame nous a transportés dans l’histoire de la ville et surtout de la dynastie millénaire des Savoia, ducs puis rois de Piémont et d’Italie. Ce monument à l’allure de forteresse médiévale a été agrémenté sur l’entrée principale d’une construction de style baroque voulue par Madame Royale : Marie-Christine de France, fille d’Henri IV, épouse de Charles Emmanuel de Savoie. La richesse de l’intérieur est flamboyante et mérita tout notre intérêt.

Le troisième jour, nous avons tout d’abord découvert l’église San Lorenzo, incluse dans le Polo Reale (Palais Royal), église caractéristique du style baroque italien, réalisée par l’architecte Guarino Guarini, véritable chef-d’œuvre octogonal décoré de colonnes de marbres polychromes, de statues et de stucs, et couronné d’une coupole inondée de lumière. Puis le Palais Royal offrit à nos yeux un décor extérieur plutôt austère, en contraste avec la richesse inouïe de l’intérieur : les ors et les lustres y brillent de tous leurs feux, rappelant les souvenirs de la puissance et de la richesse des Savoia. L’après-midi, la visite de la Galleria Sabauda, le Louvre des Savoia, nous a elle aussi ravis par sa richesse, le nombre incroyable d’œuvres picturales majeures italiennes et flamandes, de Memling à Botticelli. Le retour à l’hôtel par les rues piétonnes (Via Roma, Via Lagrange) nous a permis de faire un peu de lèche-vitrines ou de prendre qui un caffè, qui una cioccolata, après une journée bien remplie. Le soir, certains sont allés assister à la représentation des Noces de Figaro de Mozart au théâtre Regio, dont la salle est un chef-d’œuvre très élégant de l’architecture contemporaine ; ce fut une vraie réussite.

Le vendredi, alors que le temps s’assombrissait, le groupe est parti en direction du Parc du Valentino au bord du Pô, romantique dans sa torpeur d’hiver, avec ses réverbères amoureux, ses petits écureuils et ses cols-verts. A proximité, le Bourg médiéval reconstitué à la fin du XIXème siècle avec une infinie minutie permettait de remonter le temps. En contraste absolu fut la visite du Lingotto à la périphérie de Turin, sur les sites des anciennes usines FIAT, aujourd’hui transformé d’une part en temple de la culture avec la pinacothèque Agnelli où l’on peut voir des toiles de Canaletto, Modigliani, Renoir, Matisse, et d’autre part en temple de la gastronomie et de l’œnologie dans l’optique « slow-food » avec un nouveau concept de dégustation et de vente : « Eataly ». Le dernier après-midi fut consacré à deux visites au choix : le MAUTO, Musée de l’Automobile, riche en vieux tacots et véhicules de luxe rutilants, ou le GAM, Galerie d’Art Moderne, situé dans un très beau bâtiment contemporain plein d’œuvres aussi étranges qu’insolites.

Le voyage fut couronné, lors de la dernière matinée, par une petite virée au marché aux puces et au grand marché alimentaire de la Porta Palazzo, que les Italiens appellent « la jungle » et qui nous a quelque peu dépaysés dans cette ville très bourgeoise. Puis nous sommes montés à 700 m d’altitude, au dessus de la plaine du Pô, jusqu’à la Basilique de Superga élevée à la gloire des Savoia. Elle nous est apparue comme fantomatique, entourée de neige et d’un épais brouillard. Après avoir visité la crypte construite par l’architecte Juvara et abritant les tombeaux des Savoia, nous nous sommes délectés d’un repas gastronomique et revigorant dans l’ancien monastère.

Au final, Turin, ville méconnue, verte et aérée, mérite vraiment le détour avec son plan quadrangulaire, ses places élégantes bordées de Portici (arcades) comme la Piazza San Carlo ou la Piazza Vittorio Veneto, et ses cafés du XVIIIème siècle où l’on déguste la fameuse spécialité au café, à la crème et au chocolat, le bicerin.

Merci à Madame Michel qui, dans le cadre de la Dante, nous a offert un tel bonheur. Nous n’avons plus qu’une envie : retourner à Turin fin mai pour voir la fameuse Sindone, le Saint-Suaire, objet vénéré du culte chrétien dont l’ostension est rare, et pour compléter notre visite du Musée égyptien qui sera alors totalement restauré.